Se plonger dans l’univers de Colette, c’est être immédiatement interpellé par la force littéraire qui émane de ses écrits et par son style si particulier – que l’on peut qualifier d’impressionniste, en accord avec le langage pictural et musical de son temps : ses mots suggèrent plus qu’ils ne disent.
Tel que je l’ai souhaité, le spectacle s’attache à éclairer les rapports que Colette a entretenus avec la musique à travers son œuvre, et ses relations avec les grands compositeurs de l’époque avec qui, pour certains d’entre eux, elle se lia d’une réelle amitié : Ravel, Debussy, Fauré, Messager…
Issue elle-même d’une famille de mélomanes, elle apprend toute jeune le piano et restera musicienne toute sa vie: « J’ai appris mes notes en même temps que j’ai appris mes lettres ». En commençant sa carrière de journaliste, elle rédige de nombreuses chroniques musicales, avant qu’advienne sa collaboration avec Ravel pour l’écriture de la célèbre fantaisie lyrique L’Enfant et les Sortilèges. Attendrie par le personnage et l’œuvre de Colette, nostalgique des salons artistiques du XIXème et du début du XXème siècle, j’ai eu l’idée d’associer l’écrivaine, invitée régulière de ces salons les plus en vue de l’époque, et la musique des compositeurs qu’elley côtoya.
De nombreuses recherches littéraires m’ont permis de découvrir de beaux témoignages de Colette sur la musique et les musiciens de son temps, à travers ses souvenirs de soirées passées dans les salons de Madame de Saint-Marceaux ou chez la princesse de Polignac, mais aussi à travers les critiques et les chroniques musicales qu’elle tint dans différents journaux, notamment aux côtés de Debussy – et enfin par le biais de textes plus poétiques, extraits de ses romans.
À partir de ces recherches, il m’a semblé intéressant de mettre en résonance et de faire revivre ces échanges artistiques entre un répertoire à quatre mains, genre très en vogue à l’époque dans ces salons, et une œuvre littéraire qui apparaît comme un touchant témoignage.Sur la scène, un piano donc, une chaise longue Thonet – chargée d’évoquer le fameux « lit-bateau » de Colette, un mannequin de couturière habillé d’une robe mais aussi d’une veste de smoking que la comédienne endossera pour la séquence de « La dame qui chante », un lustre d’époque pour figurer par la lumière les salons de l’époque, un pupitre ancien derrière lequel Colette se fera chef d’orchestre le temps d’une séquence, et enfin un cadre ovale vide – élément essentiel du dispositif scénographique – sur lequel seront projetés successivement les portraits des compositeurs et personnages mondains dont parle Colette, mais aussi un petit film d’animation qui donne vie à Toby-chien, le célèbre chien de Colette, que celle-ci interroge à propos de la musique lors d’une longue interview imaginaire.
Ce spectacle restitue avec simplicité et poésie le foisonnement et la vitalité artistiques de l’époque, dont Colette fut l’une des figures majeures. Un hymne à la musique et à la littérature.
Virginie Gros